Mes professeurs
Je ne citerai pas tous ceux avec qui j’ai travaillé, mais seulement ceux avec qui je crois avoir retenu des choses de leur enseignement et qui m’ont apporté quelque chose en tant qu’être humain.
 
Nina Leontieff
Nina s’était installé à Casablanca. C’était une femme généreuse qui ne comptait pas le temps qu’elle nous consacrait. Ce fut la première à me dire que je devais aller à Paris si je voulais devenir danseur. A cause des évènements survenus aux Maroc, nous nous sommes perdu de vue à mon grand regret.
Mais il y a un an grâce à Internet nous nous sommes retrouvés. Nina vit maintenant à Montréal avec son fils Serge.
 
Léonide Stokowsky (dit Popoff)
Lors de la venue des Ballets du Marquis de Cuevas, une amie de Nina me donna le nom de Léonide. A cette époque, à partir de 18h nous étions sous couvre-feu ce qui m’empêchait d’aller chez Nina. C’est donc « Popoff » qui prit naturellement le relais en nous donnant ses leçons à 7 h du matin. C’était un géant au cœur tendre qui était employé et me donna ses cours fortuitement.
 
Nora Kiss
C’était une femme d’abord rébarbatif. Sa classe était aussi rébarbative qu’elle-même mais c’était une classe bien pensée et bien construite qui remettait son homme sur ses jambes. A l’époque, j’avais l’impression, avec elle, de ne pas progresser. Quand je l’ai revue plus tard, je lui ai fait part de ces griefs. Elle m’avoua ne pas s’en être rendu compte. Toutefois elle fut un excellent professeur qui a beaucoup compté pour moi.
 
Serge Peretti
Maître serge Peretti avait tout le charme de sa Venise natale. Il était généreux. Mais pour moi, il aimait trop ce que j’appelais mes défauts : une trop grande souplesse.
Souplesse qui cependant me servit à mes débuts chez Béjart. Après Nora c’était une aberration d’être chez Peretti. Je trouvais alors le juste milieu avec mon cher maître : Victor Gswosky.
 
Victor Gswosky
Victor Gswosky était un homme inspiré. Il était très exigeant mais il s’ingéniait à créer l’illusion du non-effort tout en poussant les danseurs au bout de leurs limites. Gswosky, Boris Kniaseff et Nicolas Zwereff ont été les promoteurs d’une nouvelle façon de danser, exigeant de leurs danseurs qu’ils travaillent en élongation, formant ainsi les premiers danseurs et danseuses longilignes.
 
Nicolas Zwereff
Ce grand maître était en droite lignée du théâtre Marinsky et des ballets de Serge Diaghilev. C’est chez lui que j’ai appris mon métier de partenaire. Nous allions chez Zwereff avec Norbert Schmitt et Svea Köller et en profitions pour travailler les pas de 2 du répertoire. Hélas au moment où on travaille avec de tels pédagogues, on est trop jeune pour assimiler tout ce qu’ils peuvent nous donner.
 
Assaf Messerer
Lors de la création du Ballet du XXe siècle, Béjart demanda au Bolchoï de nous envoyer Assaf Messerer comme professeur de la compagnie. C’était un petit homme plein de jovialité. Ses leçons coulaient de soi comme de l’eau de source. Il nous apprit les ficelles pour tous les grands portés dont les russes avaient le secret.
 
Yves Brieux :
J’avais beaucoup entendu parler de lui par Maurice Béjart. Un mois d’août de passage à Paris je décidais de prendre des cours chez lui. Ses classes étaient agréables et se passaient dans la bonne humeur. Je retrouvais Maître Brieux quelques années plus tard lors de la tournée des tréteaux de France où Claire Motte et moi étions engagés par le ballet que dirigeait Anne Béranger. Des années de plaisir partagé grâce une fois de plus à la dance.
 
Tatiana Grantzeva
C’était la reine des gaffes. Mais elle était entière et fidèle à ses erreurs. Son mot favori était : « Chest up » (buste bien droit). C’est elle qui m’a fait vraiment prendre conscience de mon métier de danseur. Ses leçons vous obligeaient à tenir sur une jambe, l’équilibre étant primordial pour la liberté de la danse.
 
Menia Martinez
Cette collègue et professeur m’a donné énormément de joie car elle est d’un très grand professionnalisme. J’ai eu la joie de l’avoir quelques fois comme professeur invité pour la compagnie Danza Viva. Ses classes pour garçon sont d’un très grand enthousiasme pour les danseurs.
 
Pierre et Youba Dobrievitch
Ces 2 collègues et merveilleux pédagogues étaient férus de travail bien fait. Les classes de Pierre étaient d’une limpide logique qui donne à la danse toute sa virilité. Cet art devenu principalement féminin mais qui était masculin à l’origine.
 
Dolorès Laga
Lorsque ma très chère collègue Dolorès s’occupait du conservatoire à Bruxelles, j’aimais venir prendre les classes avec ses « petits rats ». C’était l’occasion pour moi qui avait débuté adulte de faire ce travail de base qui donne une totale maîtrise du métier. Dolorès était pleine de sollicitude et me corrigeait avec tendresse comme elle le faisait avec ses « petits rats ».
Etre professeur demande, à mon avis, une grande abnégation, car donné tant de soi-même, souvent sans les résultats escomptés, cela n’a pas de prix.